Il existe une approche qui consiste à aborder, du point de vue biologique les mécanismes du vieillissement en sachant reconnaître humblement nos profondes lacunes dans la connaissance dans ce puzzle complexe qui est justement le vieillissement du corps et de l’esprit.
Une autre approche plus pratique, plus pragmatique est de considérer le vieillissement dans son quotidien c’est-à-dire ce qu’il en est, ce que la perte d’autonomie de nos aînés en coûte du point de vue psychologique & du point de vue de la société.
Le livre des Psaumes déjà il y a quelques milliers d’années, mais d’une actualité troublante énoncent la préoccupation qui reste précisément celle d’aujourd’hui. Le psaume 71 le dit explicitement : « ne me rejette pas autant de ma vieillesse, alors que ma vigueur est épuisée, ne m’abandonne pas ». En une phrase tout est dit : la perte de la force physique mais aussi dans sa dimension morale et parfois cognitive ;
- la crainte de la solitude, l’isolement qui est à mon sens le plus grave problème du vieillissement, bien plus que la maladie ;
- et enfin la crainte de l’abandon c’est-à-dire le fait de redouter la dépendance qui peut aboutir un rejet par les proches, rejet bien souvent involontaire quand les aidants sont eux-mêmes dépassés par la situation.
Au sommaire
Voici le sujet introduit maintenant abordons les différentes facettes du vieillissement dans nos sociétés.
Les différentes facettes oui bien sûr mais recherchant à chaque étape des solutions pour comme le dit si bien Jean-Pierre Dubois Dumée : « vieillir sans devenir vieux ».
Le regard des autres, silencieux mais parfois aussi douloureusement explicite, et la société au sens propre et au sens figuré sont souvent les premiers marqueurs du vieillissement aucun de nous n’a oublié la première fois qu’une personne jeune , mais aussi parfois moins jeune lui cède sa place dans un bus ou dans un métro.
À ce moment précis, on se sait vieux, on se sent vieux, mais plus encore : on se découvre vieux.
Je cite à nouveau Jean-Pierre Dubois Dumée qui reprend l’événement « déclic » qui ouvre les premières pages de son livre. Il raconte que pendant longtemps il s’est senti jeune parce qu’il était resté jeune puisqu’il marchait bien, sans douleur parce qu’il continuait à écrire des articles en tant que journaliste et qu’il avait conservé et même accru son activité sociale.
Mais voilà qu’un jour dans un conseil d’administration auquel il participait depuis longtemps un des membres de ce conseil suggère que le doyen d’âge assure l’intérim de la présidence avant d’élire le nouveau président. Et voici que tous les regards se tournent vers lui. Cet événement il ne l’avait pas vu venir mais d’un coup tout avait changé : la vieillesse était là puisque les autres l’affirmaient.
La société aussi joue son rôle délétère qui, le jour venu décide de vous mettre à la retraite alors que vous sentez encore capable de travailler et de bien travailler. Bien sûr c’est un jour qui à première vue paraît bienvenu puisqu’on va enfin profiter du temps qui passe car on confond souvent, à tort d’ailleurs retraite et début des grandes vacances.
En fait, il y a une brutalité dans la mise à la retraite même si elle est souhaitée. En effet en pratique la société vous interdit de travailler parce qu’elle ne vous juge plus apte à le faire pour mille et une bonnes, et plutôt mauvaises, raisons.
Et d’un trait de plume vous êtes » débadgé », rayé des actifs, de ceux qui produisent, de ceux qui bâtissent, ceux qui sont utiles et j’irai même dire de ceux qui servent à quelque chose. Bien sûr on va s’investir dans le bénévolat, dans le soutien à ceux qui travaillent en prenant en charge leurs petits-enfants, on va suivre des cours car une vie de travail ne nous en a pas laissé le loisir auparavant, mais en fait cela consiste à remplir les temps morts.
Il est clair désormais malgré l’affection des proches que ce sont toutes sortes de faire semblants et que vous êtes passé du côté des figurants tandis que le film se déroule désormais sans vous. A ce sujet il y a un livre qui illustre parfaitement ce propos et qui s’intitule , excusez moi mais c’est bien le titre : « Putain de retraite » . Il a été écrit par Antoine Pierre Mariano, et entre autres ne ratez pas le chapitre intitulé « l’ennui guette »
Je sais bien que ces remarques peuvent paraître amères ou injustes mais elles sont toujours bien présentes au niveau de l’inconscient qui ressent lui la brutalité du verdict de « vieux » formulé de différentes manières par la société.
Le constat est sévère mais qu’en est-il des solutions pratiques ?
La société qui, je viens de le dire, brutalise la personne vieillissante produit aussi ses solutions qui valent ce qu’elles valent. Un exemple, celui des décorations car le rendez-vous des honneurs, entre guillemets, d’ailleurs est souvent tardif. Elles sont bien sûr justifiées en cas d’actes de bravoure ou d’actes héroïques, mais le plus souvent notre activité professionnelle ne nous a pas exposé à ces situations.
En vous décorant de la médaille du travail, du mérite agricole, des arts et des lettres, des palmes académiques, du Mérite, de la Légion d’honneur et j’en oublie, la société vous donne d’une main ce qu’elle vous a pris une autre main. Vous êtes censés être honoré, être reconnu.
Désormais vous faites partie d’une confrérie, d’une amicale d’un nouveau groupe social. J’ai cité l’exemple des décorations mais ce n’est qu’un exemple qui ne s’applique pas à tous et à toutes, d’ailleurs beaucoup d’entre nous n’y trouvent pas de satisfaction ou de jouissance réelle, effective. D’ailleurs Napoléon parlait bien de hochets.
En fait il y a une autre solution qui était auparavant liée, de façon substantielle au vieillissement qui est peut être la vraie solution. Cette solution a été conservée dans des sociétés qui ont résisté au modernisme ambiant.
Eh bien c’est le travail. Certes adapté à l’état physique, mais Le travail néanmoins.
Des esprits chagrins, scientifiques de surcroît ont publié en 2013 dans une revue de bonne tenue éditoriale une étude portant sur 135 sujets âgés de 12 à 90 ans. Ils avaient été préalablement triés sur le volet pour leur Q.I. élevé supérieur à 110 et leur bonne santé intellectuelle.
Le test consistait à choisir entre un gain ou une perte certain et un gain ou une perte hypothétique. Vaut-il mieux un gain assuré de 5€ ou 50% de chances de gagner 100€ ? Vaut-il mieux une perte assurée de 5€ ou 50% de chances de perdre 100 € ?
Dans ces exemples le bon choix consiste dans le gain hypothétique où la perte certaine est moins risquée. Ces choix sont généralement ceux de la tranche 25-50 ans. En revanche 25 % des sujets âgés sont trop prudents lorsqu’il s’agit de gagner de l’argent et prennent des risques inconsidérés quand il s’agit d’en perdre. Soit.
Mais le plus « difficile » à accepter est le titre de l’article qui en rend compte préalablement qui est un verdict. Jugez en : « la prise de décision est altérée chez les plus de 65 ans. Même en très bonne santé intellectuelle leur choix se montre à la fois moins rationnels et plus aléatoires ». Péremptoire et inexact.
Aussi à l’opposé je citerais l’expérience quotidienne du Docteur Christian Chenay qui a une particularité qu’il faut souligner. Il exerce toujours dans la région parisienne à l’âge de 97 ans, et le titre de son récent ouvrage « Et si la vieillesse n’était pas un naufrage ? » est à la fois un témoignage et une réponse qui se passe de commentaires.