« Tu m’énerves ! », « tu es nul ou quoi ? », « tu me fatigues ! »…
Autant de mots qui peuvent ponctuer nos phrases, parce que nous sommes parfois fatigués, irrités, impatients, saturés de toutes nos préoccupations.
Autant de mots qui parfois nous semblent anodins, qui sont souvent noyés dans tant de paroles que nous pensons qu’ils ne sont pas entendus, ou qu’ils n’ont pas de conséquences.
Et puis, sous couvert d’éducation, nos parents ou grands-parents ont entendu toutes ces phrases et … ils n’en sont pas morts !
Au sommaire
Des violences éducatives ordinaires trop souvent banalisées
Elise se rappelle toutes les critiques de ses parents, qui souhaitaient au fond l’encourager en lui disant de choses négatives, pour qu’elle réagisse.
« Si tu continues comme ça, tu vas être la dernière de la classe… », ou « montres nous de quoi tu es capable, car pour l’instant on doute de toi… », ou même « tu as entendu tous ce que dit la maitresse de toi, secoue toi un peu… ».
Autant de « petits mots » qui semblent si insignifiants.
Souvent prononcés dans le but de « pousser » l’enfant, ils ont pour conséquences de lui montrer ses incapacités.
Et puis son fils Nino est là et à son tour, elle a le sentiment qu’elle lui dit la même chose.
Comme si c’était la seule manière à ses yeux de le stimuler, de provoquer cet esprit de compétition, qui lui a donné, pense-t-elle, les armes pour faire face aux défis du monde du travail, dans lequel elle essaye de faire sa place.
Finalement, heureusement que ses parents l’ont poussée. Maintenant elle est équipée pour répondre à toute la pression qu’elle subit par sa hiérarchie.
Pourtant, au fond, elle voudrait faire autrement avec Nino et elle s’y applique, mais parfois c’est plus fort qu’elle.
Remettre en questions son éducation n’est pas une mince affaire…
Certes, toutes ces générations n’ont pas eu le sentiment d’avoir été maltraitées.
Elles ont vécu ce que les précédentes avaient déjà vécu, même parfois en plus intenses avec les guerres traversées au fil des époques. Cela s’inscrivait même dans une certaine forme de normalité.
L’éducation passait par ces modèles d’autorité, au sein desquels la hiérarchie s’établissait de manière verticale :
Moi l’adulte, je détiens le pouvoir et la vérité, et toi mon enfant, tu dois te conformer à cette vérité.
Difficile de se départir de telles habitudes.
Elles ont même pu, comme pour Elise, donner le sentiment d’avoir été aidante pour son évolution.
Pourtant les travaux scientifiques multiples qui aujourd’hui investissent le domaine du développement de l’enfant et des neurosciences nous offrent des éclairages éloquents sur ces méthodes relationnelles et éducatives.
Loin de favoriser la mobilisation des compétences de l’enfant, elles entrainent des conséquences importantes sur la trajectoire développementale d’un individu, sa construction et équilibre psychique.
Ces « douces violences » sont décrites aujourd’hui sous le terme de Violences éducatives ordinaires.
Comment définir et reconnaître des violences éducatives ordinaires
Leurs définitions sont multiples au gré des sociétés et des normes établies par chacune d’entre elles.
Les violences corporelles
Il y a celles qui sont universellement recommandées depuis des millénaires et qui atteignent donc la majorité des enfants, comme les punitions corporelles, aujourd’hui punis (en France par la loi qui interdit la fessée de novembre 2018.
Les violences punitives
Celles qui sont punitives, c’est-à-dire celles auxquelles les parents considèrent qu’ils ont le droit d’avoir recours en cas de conflit avec leur enfant, mais aussi celles qui établissent entre le parent et l’enfant un rapport de pouvoir violent.
Les violences émotionnelles
Et puis, il y a celles qui sont qualifiées de maltraitances « émotionnelles ».
Cet ensemble des violences psychologiques et verbales induisant une émotion de peur ou de honte chez l’enfant (crier, menacer, humilier, ridiculiser, mépriser…), et qui va induire le sentiment d’abandon affectif pour l’enfant.
Souvent invisible et méconnue, cette maltraitance émotionnelle regroupe également l’ensemble des comportements de l’adulte qui ne répondent pas aux besoins fondamentaux du jeune enfant, et en particulier celui touchant la sécurité émotionnelle.
Ainsi, pour qu’il ne devienne pas trop capricieux, il est possible de le laisser pleurer, mais également si l’adulte estime qu’il est maintenant trop grand, le priver brutalement de sa tétine ou doudou, ou enfin ne pas le rassurer, pensant qu’il va pouvoir « s’en sortir » tout seul.
La parentalité responsable
Trouver l’équilibre entre ces attitudes très dévalorisantes et le « tout est possible, avec si peu de limites », n’est pas toujours facile.
Les courants de la parentalité positive ou bienveillante, que j’appelle ici « parentalité responsable », nous aident à intégrer que nos enfants ne sont pas des objets ou des animaux dociles, mais des personnes à part entière.
Cependant, ce ne sont pas non plus des « mini-adultes », en capacité de faire de choix et d’être raisonnables.
Leur immaturité cérébrale ne leur permet pas de répondre à nos attentes de parents souvent pressés de les voir devenir matures et raisonnables, ce qui nous aiderait à assumer nos vies si denses et parfois contraignantes.
Comment l’appliquer avec son/ses enfant.s
Elise essaye – avec application – de mettre en œuvre tout ce qu’elle a pu comprendre lors des ateliers parentalité qu’elle a fait auprès d’une association de parents de son quartier.
Elle répond avec patience à Nino, lui expliquant de nombreux enjeux de sa vie, pas toujours facile de maman.
Elle parvient souvent à se contenir et puis parfois, quand la journée a été trop difficile, que les souciés se sont accumulés au fil des jours, sa dose de bienveillance est épuisée et elle gronde et humilie Nino, le regrettant tellement intensément ensuite.
Elle met tellement d’effort à être vigilante !
Ses dérapages sont insupportables pour elle. Pas facile de trouver la bonne notice et de mener de front tous ces « combats » : être une bonne maman, une épouse aimante et une professionnelle performante.
Être parent, ce n’est pas être un super-héros.
Elle comprend avec le temps que la réponse se trouve dans la confiance mutuelle, qu’ils vont construire ensembles l’équilibre entre la mise en place d’un cadre indispensable pour que Nino comprenne les règles de la vie et une attention soutenue aux besoins de son fils.
Comme le dit, Muriel SALMONA :
« Laisser un enfant subir des violences … c’est le priver de l’avenir qui aurait pu être le sien… et priver le monde de toutes ses potentialités…
C’est se priver d’un monde meilleur et plus juste. »
Nous sommes responsables de l’environnement affectif et émotionnel que nous offrons à nos enfants et nous sommes invités, que l’on soit parent, éducateur ou toute autre personne prenant soin d’eux, à être sensibles et attentifs à ces mots qui peuvent abimer et blesser tous ces petits êtres en devenir.